Tim prend son envol

Timothée Hamada, 22 ans, fait partie des premiers apprentis ingénieurs de l’Ensma. Il partage son temps entre Chasseneuil-du-Poitou et l’entreprise d’avionique qui l’accueille à Toulouse. Habitué à « bouger », ce fils d’expatriés maîtrise l’art de se débrouiller et de nouer des contacts.

Je ne voulais pas devenir ingénieur. » A 22 ans, Timothée Hamada a le mérite d’être franc. Lui, son rêve c’était de devenir pilote dans l’aviation civile. Et il est loin d’avoir abandonné. « A 15 ans, j’ai commencé à penser à mon avenir et je me suis dit : qu’est-ce que t’aimes faire ? Trois idées me sont venues : voyager, partager des choses avec des gens et apprendre. » Dès touts petits, Tim et son frère ont vécu en « expat » avec leur père ingénieur gazier et leur mère artiste freelance. Abou Dabi, Qatar, Malaisie, Azerbaïdjan... La famille a pas mal bougé. « Ce rythme m’a toujours plu. » Et ça tombe bien parce qu’aujourd’hui, il vit entre Toulouse, siège de l’entreprise Akkodis qui l’accueille, et Chasseneuil-du-Poitou (Vienne) où se situe l’Ecole nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique (Ensma), membre du groupe Isae comme Supaéro, Supmeca, l’Estaca ou l’Ecole de l’air et de l’espace. Alors comment Tim a-t-il fini par intégrer cette prestigieuse école d’ingénieurs ? Avec son bac scientifique obtenu « ras des pâquerettes » en candidat libre, il devait effectuer au moins un an de classes préparatoires pour accéder aux études de pilote. Direction la Prépa Physique-Chimie-Sciences de l’ingénieur. Mais le Covid et d’autres événements perso bouleversent ses plans. Il se laisse une année sabbatique pour réfléchir. Puis il se lance en CUPGE mécanique et énergétique à l’université Paul-Sabatier de Toulouse. Et pourquoi pas une école d’ingénieurs ? « Je me suis pris au jeu. Ca m’amuse de comprendre des concepts. Et puis en entreprise, je travaille sur l’affichage des cockpits pour les pilotes, je reste dans le domaine. » A l’Ensma, les étudiants peuvent décrocher son brevet de pilote durant son cursus. Comme lui l’a déjà, il a plutôt prévu de s’investir dans l’Ensmair, une asso étudiante, et de voler avec le P300, l’avion-école entièrement construit par des étudiants des promotions précédentes.

Pourquoi l’apprentissage ?

Timothée a opté pour l’apprentissage dès le concours d’accès vers l’école. Lui n’a pas hésité bien longtemps. « J’avais envie de concret et d’indépendance. Dès l’âge de 6 ans, j’ai répété à mes parents que je partirai quand je serai majeur. Finalement ce sont eux qui sont partis... Mais le résultat est le même ! » A 17 ans, Tim a décidé de ne plus suivre ses parents pour mener ses propres projets. Depuis, il les voit une fois par an mais leur parle beaucoup. « Je sais que je peux compter sur eux en cas de coup dur. »

 

Il a négocié son salaire !

L’avantage quand on est apprenti, c’est qu’on est payé ! Et Tim, en plus, est parvenu à négocier son salaire. Une façon pour lui d’obtenir la prime d’activité dès la première année. « J’ai dit non, j’ai fait une contreproposition, mais je n’avais pas de plan B... » Résultat : 1 150€ net, soit 65% du barème de la convention collective de l’entreprise (et non le SMIC qui est le minimum légal). Ce salaire évoluera au cours des trois ans. Avec les diverses aides dont il bénéficie, Tim affirme que son « budget n’est pas tendu », de quoi même mettre de l’argent de côté, malgré son double logement.

Intégration : « On se voit beaucoup entre apprentis »

Chasseneuil-du-Poitou n’est pas ce qu’on pourrait appeler une ville étudiante... Et la Technopole du Futuroscope, même si elle propose tous les services de proximité utiles, se vide rapidement en soirée. Sans parler des week-ends ! Paradoxalement, c’est sûrement ce qui soude le plus les étudiants entre eux. « On reste ensemble et on doit s’organiser pour faire des choses. » Tim possède une voiture, ce qui lui permet d’embarquer du monde et de rendre des services. La première rentrée à l’Ensma, c’est un « moment clé ». Les étudiants ont fait beaucoup d’efforts pour y entrer. Ils sont là pour trois ans. Mieux vaut s’intégrer. « On se voit beaucoup, des sorties sont proposées tous les soirs si on veut, on fait aussi du sport ensemble. Au bout de trois semaines, on a l’impression de se connaître depuis un an ! » Le Bureau des élèves (BDE) et les nombreuses associations de l’école rendent la vie plus légère. Et puis il y a le week-end d’intégration...

 

DOUBLE LOYER : QUELLES AIDES ?

En mars 2024, Timothée a rejoint la résidence Gémini, gérée par le Crous, à deux pas de l’Ensma. « J’ai déménagé en cours d’année, le premier était moins moderne et trop près de l’autoroute. Je l’avais choisi à distance. » Le loyer de cet appartement de 30m2 lui coûte 350€, eau chaude et chauffage inclus. Là-dessus, il bénéficie d’une aide du CFA Sup NA, très rare en France, de 6€ par jour passé à l’Ensma, hors week-end et jour férié. Soit une enveloppe de 1 500€ par an. « Ca paie les loyers d’été, je ne rendrai pas le logement bien que je serai à Toulouse. » Dans le sud, Tim occupe un autre appart de 60m2, en colocation avec une amie, dont le loyer est de 450€. Au total, pour ses deux logements, il perçoit 187€ d’APL par mois. Action Logement, à travers son dispositif MobiliJeunes dédiée aux apprentis de moins de 30 ans, lui verse aussi 100€ par mois.

 

« Pas de pression à boire »

Le bizutage c’est fini ! Pas d’épreuve bizarre pour montrer son courage ou son appartenance à l’école. « Bien sûr, on va vous proposer de l’alcool, mais il n’y a pas de pression à boire, assure Tim. Certains ne viennent même pas aux soirées, ils ne sont pas exclus pour autant. » Les étudiants sont originaires de toute la France, c’est normal de ne connaître personne. Si vous restez ouvert aux autres, vous nouez rapidement des liens de camaraderie. Tim a vite « bien accroché » avec Adrien qui a un parcours semblable au sien. En plus, comme lui, il est apprenti à Toulouse !

 

LA POSTURE PRO ÇA S’APPREND

« Le premier jour en entreprise, on ne sait pas comment se comporter. A l’Ensma, on travaille beaucoup les disciplines académiques mais on ne prépare pas notre arrivée chez l’employeur », souligne Timothée. Face à ce constat, le CFA Sup NA a développé un atelier ludique de posture professionnelle. « Les apprentis s’interrogent sur leur savoir-être, leurs valeurs et ce qu’ils recherchent dans l’entreprise », note Damien Joulain, co-fondateur des AutrementsDit, créateur de jeux pour la formation pro. On leur donne des astuces pour bien communiquer avec leurs collègues et managers. Au final, tout le monde est d’accord pour dire qu’entre les attendus de l’école et ceux de l’entreprise, « c’est le grand jump ! »

 

« Difficile de se cacher au fond de la classe »

On appelle les apprentis de l’Ensma, les Fisa pour les distinguer des élèves sous statut étudiant, les Fise. Le plus compliqué pour les Fisa, c’est l’agenda ! « On a presqu’autant d’heures de cours à suivre mais moins de jours de présence », résume Timothée.
L’alternance des temps entreprise/école font que les journées sont particulièrement longues : Entre 32 et 38h par semaine. Les Fise ont les vacances, pas les Fisa qui doivent s’organiser avec leur employeur. Autrement dit, il faut s’accrocher. « D’autant qu’on est 28 dans ma promo, difficile de se cacher au fond de la classe ! » Pas simple non plus de démarrer ou d’entretenir une relation amoureuse, selon Tim. Déjà parce qu’il est « toujours parti ». Très peu d’étudiants sont apprentis dans la Vienne. Ensuite parce qu’il n’y a que quatre femmes dans sa promo qui ont osé dépasser les préjugés sur les études scientifiques.

 

« Quand je reviens en entreprise, tout a bougé »

L’alternance nécessite aussi une capacité d’adaptation aux changements de dernière minute. Surtout en entreprise. « J’ai toujours un brief en fin de période, mais quand je reviens cinq semaines plus tard, tout a bougé ! » Pas de quoi le stresser. « Je m’entends bien avec mon tuteur, il n’est pas disponible en permanence mais on s’organise. » « Je me sens considéré par l’équipe », ajoute-t-il. Même si, au milieu des sous-traitants du géant Airbus, le jeune homme a parfois l’impression d’être « un grain de sable dans une énorme machine ». Course à pied, montagne, cuisine, simulateur d’avion... Tim s’est trouvé des points communs avec la plupart de ses collègues directs. « Il faut rester professionnel mais naturel, pas s’inventer une carapace. On ne peut pas s’entendre avec tout
le monde. » Il faut être prêt aussi à supporter les frustrations. « J’ai été déçu par le premier rendu que j’ai fourni. » Et savoir rebondir par la suite.

 

La vie de salarié,« une bouffée d’oxygène»

L’entrée chez Akkodis a commencé par une période de formation de cinq semaines. « Les attendus sont moins forts parce que je suis en formation mais j’ai des missions d’ingénieurs. » Le contenu est trop technique pour être détaillé ici. Mais il va servir concrètement aux pilotes d’avions de ligne. L’idée ? Pouvoir décaler ponctuellement l’itinéraire pour éviter un orage sans recalculer toute la trajectoire. « Pour ma première réunion de groupe avec Airbus, je ne comprenais rien. J’avais  même oublié le code de mon ordinateur. Maintenant je ne suis plus largué. » Tim a très vite été invité à tous les événements de « team building ». Des repas et des petits-déj, un bowling et même un « secret santa » à Noël. Les salariés fêtent aussi les « Akkodiversaires » de leur date d’entrée dans l’entreprise. Tim va pouvoir démontrer ses talents. Cerise sur le gâteau, il prépare en parallèle un CAP de cuisine à distance. Véridique ! « Je veux pouvoir me débrouiller et il faut dire aussi que j’ai plus de temps à Toulouse. » Les périodes en entreprise sont pour lui une « bouffée d’oxygène ». Après sa journée de travail, il passe à autre chose. Une vraie vie de salarié ! « A l’école, c’est tellement dense que je passe mes soirées à réviser. » La posture n’est pas du tout la même. Et ça aussi, il faut en faire l’apprentissage.

MOBILITÉ INTERNATIONALE

Les apprentis de l’Ensma ont l’obligation de passer neuf semaines à l’étranger, dans une entreprise ou un laboratoire. Les employeurs doivent les laisser partir, il n’ont pas le choix. Encore faut-il trouver le meilleur moment par rapport à l’activité. « C’est le plus compliqué, même si on peut effectuer ce stage en plusieurs fois, estime Timothée. Et puis je ne serai pas rémunéré. Il existe des aides mais en partie rétroactives, il faut garder tous les tickets. Mieux vaut avoir économisé avant. » Le CFA Sup NA dispose d’une référente Mobilité Internationale pleinement mobilisée avec les responsables de formation pour formaliser les conventions liées aux mobilités et accompagner à la mobilisation des différentes aides existantes (aide de l’Opérateurs de Compétences et Erasmus+).

 

Rédaction : Romain MUDRAK

 


Dernière mise à jour le 04 octobre 2024

CFA Sup Nouvelle-Aquitaine

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